10.1 Mode d’action
L’abrocitinib est un inhibiteur très sélectif de la protéine JAK1 (Janus kinase 1). Les protéines JAK sont des enzymes intracellulaires qui transmettent des signaux portés par les cytokines ou générés par des interactions entre les facteurs de croissance et leurs récepteurs membranaires et qui influent ainsi sur les processus cellulaires sous-jacents à l’hématopoïèse et à la fonction des cellules immunitaires. Les protéines JAK interviennent dans les voies de signalisation : elles phosphorylent et activent les facteurs STAT (Signal Transducer and Activator of Transcription; transducteur du signal et activateur de la transcription), qui modulent l’activité intracellulaire, y compris l’expression génique. L’abrocitinib module la voie de signalisation JAK/STAT au niveau de JAK1 et inhibe ainsi la phosphorylation et l’activation des facteurs STAT.
L’abrocitinib inhibe la protéine JAK1 de façon sélective et réversible en bloquant le site de liaison de celle-ci à l’adénosine triphosphate (ATP). Dans un système enzymatique isolé acellulaire, la sélectivité biochimique de l’abrocitinib pour la protéine JAK1 était plus élevée que sa sélectivité pour les 3 autres isoformes JAK, à savoir JAK2 (sélectivité 28 fois plus élevée pour JAK1), JAK3 (sélectivité > 340 fois plus élevée pour JAK1) et TYK2 (pour tyrosine kinase 2; sélectivité 43 fois plus élevée pour JAK1), et elle était encore plus élevée que sa sélectivité pour le reste du kinome en général. Dans le milieu cellulaire, où les enzymes JAK transmettent leurs signaux par paires (soit JAK1/JAK2, JAK1/JAK3, JAK1/TYK2, JAK2/JAK2 et JAK2/TYK2), l’abrocitinib inhibe préférentiellement la phosphorylation des facteurs STAT induite par les cytokines qui est médiée par les récepteurs de cytokines associés à JAK1 par rapport à celle qui est médiée par les récepteurs associés à JAK2 seulement ou à la paire JAK2/TYK2. On ignore pour l’instant dans quelle mesure l’inhibition de certaines enzymes JAK influe sur l’efficacité thérapeutique. La molécule mère (abrocitinib) et ses métabolites actifs (M1 et M2) inhibent les voies de signalisation des cytokines à des degrés de sélectivité similaires.
10.2 Pharmacodynamie
Le traitement par CIBINQO a été associé à une réduction des taux sériques de marqueurs de l’inflammation, notamment l’hsCRP (high sensitivity C-reactive protein; protéine C réactive mesurée au moyen d’une méthode de dosage ultrasensible), l’interleukine 31 (IL-31) et la chimiokine TARC (thymus and activation-regulated chemokine), et cette réduction était fonction de la dose. Ces taux sont retournés près des valeurs initiales au cours des 4 semaines qui ont suivi l’arrêt du traitement.
10.3 Pharmacocinétique
|
||||||
|
Cmax (ng/mL)a |
Tmax (h)b |
t½ (h)c |
AUC0-∞ (ng·h/mL)a |
CL/F (L/h)a |
Vz/F (L)a |
---|---|---|---|---|---|---|
Dose de 100 mg | ||||||
Abrocitinib |
420.2 |
1 |
4.3 |
1578 |
63.41 |
323.3 |
M1 |
49.0 |
1 |
4.3 |
565.6 |
n. d. | n. d. |
M2 |
95.8 |
1 |
2.9 |
532.9 |
n. d. | n. d. |
Dose de 200 mg | ||||||
Abrocitinib |
756.5 |
1 |
5.9 |
3902 |
51.24 |
375.2 |
M1 |
210.2 |
1 |
4.2 |
998.5 |
n. d. | n. d. |
M2 |
162.1 |
2 |
3.9 |
1197 |
n. d. | n. d. |
Absorption
L’abrocitinib est bien absorbé, soit à plus de 91 %, lorsqu’il est administré par voie orale, et sa biodisponibilité orale absolue est d’environ 60 %. La Cmax et l’ASC de l’abrocitinib augmentent proportionnellement à la dose dans la gamme des doses quotidiennes recommandées. L’administration de CIBINQO pendant un repas riche en matières grasses n’a pas eu d’effet d’importance clinique sur l’exposition à l’abrocitinib (l’ASC et la Cmax ont augmenté d’environ 26 % et 29 % respectivement, et le Tmax a été prolongé de 2 heures). Lors des études cliniques, CIBINQO a été administré sans égard aux repas.
Distribution
Après l’administration intraveineuse de CIBINQO, le volume de distribution de l’abrocitinib est d’environ 100 L. Les taux de liaison aux protéines plasmatiques de l’abrocitinib circulant et de ses métabolites actifs M1 et M2 étaient respectivement de 64 %, de 37 % et de 29 % environ. L’abrocitinib et ses métabolites actifs se lient principalement à l’albumine. L’abrocitinib et ses métabolites actifs se distribuent également entre les globules rouges et le plasma.
Métabolisme
Le métabolisme de l’abrocitinib est médié par diverses isoenzymes du CYP, soit la CYP2C19 (~53 %), la CYP2C9 (~30 %), la CYP3A4 (~11 %) et la CYP2B6 (~6 %). Dans le cadre d’une étude menée chez l’humain sur l’administration de doses radiomarquées d’abrocitinib, ce médicament était la principale substance circulante, et il a été biotransformé en trois métabolites mono-hydroxylés polaires : M1 (3-hydroxypropyl), M2 (2-hydroxypropyl) et M4 (pyrrolidinone pyrimidine). De ces trois métabolites circulants, M1 et M2 ont des profils inhibiteurs semblables à celui de l’abrocitinib à l’égard des protéines JAK, alors que M4 est inactif sur le plan pharmacologique. L’activité pharmacologique de CIBINQO est attribuable à l’exposition aux fractions libres de la molécule mère (~60 %) et des métabolites M1 (~10 %) et M2 (~30 %) présentes dans la circulation générale. La somme des degrés d’exposition aux fractions libres de l’abrocitinib, de M1 et de M2, qui sont tous exprimés en unités molaires et corrigés en fonction des puissances relatives de ces substances, est désignée par le terme fraction active de l’abrocitinib.
Élimination
CIBINQO est principalement éliminé par voie métabolique, et moins de 1 % de la dose est excrétée dans les urines sous forme inchangée. Les métabolites de l’abrocitinib (M1, M2 et M4), qui sont des substrats du transporteur OAT3, sont principalement excrétés dans les urines.
Populations particulières et états pathologiques
- Enfants - Adolescents (de 12 ans à moins de 18 ans)
D’après les estimations établies dans le cadre d’une analyse pharmacocinétique populationnelle, l’exposition moyenne à CIBINQO à l’état d’équilibre chez les adolescents serait à peu près 30 % inférieure à celle observée chez des adultes de même poids, mais les valeurs minimales et maximales observées chez les adultes et les adolescents étaient similaires. Il a été établi que ces différences d’exposition moyenne n’avaient pas d’importance clinique.
Enfants (moins de 12 ans)
La pharmacocinétique de CIBINQO n’a pas encore été établie chez les patients âgés de moins de 12 ans.
- Personnes âgées - Après évaluation des effets de l’insuffisance hépatique ou rénale par rapport à ceux du vieillissement chez les personnes âgées, on constate que l’exposition à l’abrocitinib ou aux autres substances actives du médicament n’est pas modifiée de façon cliniquement significative chez les personnes de 65 ans ou plus.
- Sexe - Le poids corporel, le sexe, le génotype CYP2C19/CYP2C9, la race et l’âge n’ont pas eu d’effet d’importance clinique sur l’exposition à CIBINQO.
- Femmes enceintes ou qui allaitent - Il faut conseiller aux femmes aptes à procréer d’utiliser une méthode de contraception efficace pendant le traitement par CIBINQO et pendant 1 mois après la prise de la dernière dose. Les données limitées recueillies à ce jour sur l’utilisation de CIBINQO chez la femme enceinte ne sont pas suffisantes pour qu’on puisse évaluer le risque de malformations graves ou de fausse couche qui pourrait être associé à ce médicament.
Dans le cadre d’une étude sur le développement prénatal et postnatal chez le rat, l’administration orale de CIBINQO à des rates gravides, à partir de la gestation jusqu’à la lactation, à des doses supérieures ou égales à celle associée à une exposition à peu près 11 fois supérieure à l’ASC de la fraction libre de ce médicament observée chez l’humain à la dose clinique maximale recommandée (200 mg 1 fois par jour) s’est traduite par une diminution de la survie postnatale et du poids corporel des rejetons. CIBINQO ne doit pas être utilisé pendant la grossesse, à moins que son administration ne soit absolument nécessaire.
- Insuffisance hépatique - L’ASCinf de la fraction active de l’abrocitinib a diminué d’environ 4 % chez les patients atteints d’une insuffisance hépatique légère (classe A de Child-Pugh) et augmenté d’environ 15 % chez les patients atteints d’une insuffisance hépatique modérée (classe B de Child-Pugh), comparativement aux patients dont la fonction hépatique était normale. Ces différences n’ont pas d’importance sur le plan clinique; par conséquent, aucun ajustement posologique ne s’impose en cas d’insuffisance hépatique légère ou modérée. Lors des études cliniques, l’utilisation de CIBINQO n’a pas été évaluée chez les patients atteints d’une insuffisance hépatique sévère (classe C de Child-Pugh) ni chez ceux qui avaient obtenu un résultat positif aux tests de dépistage des infections évolutives par le VHB ou le VHC.
- Insuffisance rénale - Dans une étude sur l’insuffisance rénale, des augmentations d’environ 191 % et 110 % de l’ASCinf de la fraction active de l’abrocitinib ont été observées respectivement chez les patients atteints d’une insuffisance rénale sévère (TFGe < 30 mL/min) et chez les patients atteints d’une insuffisance rénale modérée (TFGe de 30 à < 60 mL/min), comparativement aux patients qui avaient une fonction rénale normale (TFGe ≥ 90 mL/min). D’après ces résultats, il ne devrait pas y avoir d’augmentation d’importance clinique de l’exposition à la fraction active de l’abrocitinib en cas d’insuffisance rénale légère (clairance de la créatinine de 60 à < 90 mL/min). Le TFGe des patients a été estimé au moyen de l’équation MDRD (Modification of Diet in Renal Disease).
L’utilisation de CIBINQO n’a pas été évaluée chez les patients atteints de néphropathie terminale qui reçoivent un traitement de suppléance rénale. Dans le cadre des études cliniques de phase III, l’utilisation de CIBINQO n’a pas été évaluée chez les patients atteints de dermatite atopique qui avaient une clairance de la créatine < 40 mL/min au début.